La guerre est à peine commencée, et elle est déjà totale. A minima celle des images, omniprésentes. En la matière, le phénomène Femen est archi-cinématographique, et le succès médiatique qu'il rencontre tient certainement au fait que les actions des activistes sont structurellement conçues pour subvertir les films et images qui en émergent. La mise en scène imaginée par Femen prend toujours le dessus quelque soit l'angle de vue ou le choix de montage adopté. Car elle est simple, facilement identifiable mais intelligemment étudiée pour livrer aux médias un film court qui ne peut pas être détourné, et qui à lui seul nous renseigne beaucoup sur l'importance des enjeux, la détermination des activistes, et bien souvent aussi sur l'usage disproportionné de la force par l'adversaire.

Cette scène qui nous est donnée de voir nous dit aussi qu'au-delà du spectaculaire quelque chose de plus profond veut se faire entendre, et elle nous engage à voir plus loin, à chercher ce qu'il se passe. Le film long que je réalise a cette ambition ; il emboite les actions de Femen, les prolonge, les questionne et va tenter de permettre de voir, et comprendre, ce geste qu'il fallait remarquer au dessus de l'agitation.

Un an à suivre et filmer de l'intérieur le mouvement Femen, dans ses actions, ses chocs et fracas, ses fumées et vacarmes, mais aussi dans ses à-cotés, ses doutes, et ses contradictions. D'abord l'ivresse de ce qui commence, puis, progressivement, la tension des poursuites et des menaces, le désaveu médiatique après la célébration, une forme d'isolement qui s'installe, et un certain glissement vers des actions toujours plus radicales. Un an au coeur d'un mouvement surexposé médiatiquement mais dont les raisons profondes demeurent peu connues ou parfois mal comprises.